Psychophanie

Source [1]L'illustration avait été initialement trouvée sur le site allemand [2] qui traite de la "Gestützten Kommunikation" (communication facilitée) mais ne s'y trouve plus aujourd'hui

La Connection facilitée ou Communication Profonde Accompagnée (CPA) ou Psychophanie, en anglais Facilitated communication, en allemand Gestützten Kommunikation, est une méthode de soins conçue dans les années 1980 par Rosemary Crossley, une enseignante australienne, et destinée à améliorer les capacités de communications des personnes handicapées de la parole. En 1989, Douglas Biklen popularise cette méthode aux États-Unis notamment avec des personnes autistes. À partir de cette technique, qu'elle a introduite en France au début des années 1990, l'orthophoniste Anne-Marguerite Vexiau [1] a développé la psychophanie (du grec psyché : âme, et phanein : mettre au jour), son application à un objectif thérapeutique. Elle a également fondé une association intitulée Ta Main Pour Parler (TMPP) qui organise des formations à la méthode.

L'efficacité de la communication facilitée n'a pas été prouvée par les moyens scientifiques actuels, celle-ci est donc rejetée par la communauté scientifique. De même la psychophanie n'est pas une méthode ayant prouvé ses effets de façon académique, elle est parfois apparentée à une méthode de spiritisme car prônant la mise en relation d’inconscient à inconscient. À ce sujet, Mme Anne-Marguerite Vexiau a mené une action en justice contre le journal Charlie Hebdo qui avait qualifié la méthode dans un article publié le 17 décembre 2003 de « grotesque charlatanerie » et dénonçant le fait que la Sécurité sociale en assure des remboursements, action qu'elle a perdue [3].

Analyse de la communication facilité dans le rapport d'enquête de l'Assemblée Nationale de 2006

Dans le rapport fait au nom de la commission d'enquête relative à l’influence des mouvements à caractère sectaire et aux conséquences de leurs pratiques sur la santé physique et mentale des mineurs [4], on lit (pages 80-83) :

c) Des pratiques portant atteinte à la dignité des enfants handicapés
La théorie de la communication facilitée a particulièrement retenu l’attention de la commission d’enquête. Propagée par Mme Anne-Marguerite Vexiau (orthophoniste de formation) cette théorie partage sur le fond le même présupposé inspiré du « New-Age » que celui qui nourrit les spéculations sur les enfants indigo : l’enfant serait un être autre que ce qu’il paraît être. Ce principe connaît un succès certain et naturel quand il trouve à s’appliquer aux tentatives que font les familles pour sortir du désarroi dans lequel les plonge le handicap mental d’un enfant. L’idée selon laquelle il existerait des réseaux de communication pré-existants entre les êtres, que ces réseaux pourraient être enclenchés– comme on entre dans un réseau Internet – sans qu’il y ait à produire d’effort d’apprentissage ni de construction du message, alimente les espoirs de parents dont la plus grande souffrance vient précisément des difficultés de communication avec leur enfant handicapé.
L’enfant indigo communique un message qui trouverait sa source dans l’ordre cosmique. Dans la communication facilitée, l’enfant vient se connecter à des canaux de communication dont il utilise toutes les ressources magiques de mise en forme expressive ; dans ce dernier cas, le réseau est formé des inconscients qui constituent une chaîne permettant la réalisation de ce que Mme Vexiau nomme une psychophanie. En pratique, la communication se fait par le détour d’un clavier d’ordinateur sur les touches duquel l’enfant appuie pour former des mots ; à cet effet, sa main est guidée par un adulte appelé le « facilitant ». Dans la communication facilitée comme pour les enfants indigo, le processus naturel de l’apprentissage, en particulier de la parole, est ignoré.
Les résultats de la technique de la communication facilitée tels que la commission d’enquête a pu en prendre connaissance au travers du visionnage d’une cassette vidéo sont particulièrement consternants. Les discours singulièrement sophistiqués attribués aux enfants sont, de manière évidente, les produits de l’imagination du « facilitant », à savoir Mme Anne-Marguerite Vexiau. L’ensemble de ces « séances » laisse l’impression d’une sorte de vampirisme intellectuel (1) exercé au détriment d’enfants dont est exploité l’état d’extrême vulnérabilité.
En ce sens, la communication facilitée ne peut être réduite à n’être qu’une version modernisée du spiritisme, et, somme toute, un procédé charlatanesque comme un autre. Cette supercherie ne fait pas que tirer profit du désarroi des parents de handicapés ; elle porte atteinte aux droits fondamentaux des enfants tels que formulés en particulier à l’article 29 de la Convention internationale relative aux Droits de l’Enfant du 20 novembre 1989 aux termes duquel « […] les enfants mentalement ou physiquement handicapés doivent mener une vie pleine et décente, dans des conditions qui garantissent leur dignité […] ».
Il est également étonnant qu’aient pu être soumis à ce procédé des enfants soignés en milieu hospitalier ou dans des institutions spécialisées.
À cet égard, les membres de la commission d’enquête s’étonnent que les pouvoirs publics n’aient pas pris la mesure du danger de tels procédés et les aient laissés se développer. Ainsi le foyer Ker Spi dans les Côtes-d’Armor a recouru à cette pratique pendant 4 ans jusqu’en 2002. Ce n’est qu’en 2005 qu’une information judiciaire a été ouverte pour escroquerie et exercice illégal de la médecine.
De plus, il a été porté à la connaissance de la commission d’enquête que la communication facilitée n’avait pas été considérée comme une voie de recherche à écarter par le service universitaire de pédopsychiatrie de Brest, dirigé par le professeur A. Lazartigues. Son collaborateur, le docteur Lemonnier, a justifié cette attitude de la façon suivante : « Nous souffrons souvent d’un défaut lorsque nous discutons les données scientifiques d’une technique qui n’a pas été évaluée suivant des critères méthodologiques classiques, nous lui laissons la possibilité d’être fonctionnelle, dans une espèce de doute nécessaire à l’élaboration des connaissances mais autorisant bien souvent la mise en place de prise en charge « charlatanesque ». À la réflexion, je crois que l’absence de position du Professeur Lazartigues s’inscrit dans cette tradition intellectuelle. » (2)
L’argumentation avancée met sur le compte du « doute » qui doit caractériser la démarche scientifique, l’intérêt dont peut légitimement être l’objet cette technique ; ce raisonnement méconnaît le fait que le doute ne peut être à l’origine d’un progrès de la connaissance que s’il relève lui-même du champ de la connaissance, à savoir s’il est méthodiquement conduit par confrontation entre des assertions issues de démarches rationnelles. Il ne saurait être invoqué pour valider un intérêt pour des doctrines relevant de pensées magiques ; par ailleurs, « la possibilité d’être fonctionnelle » laissée à cette technique valide de fait des expériences qui ne sont pas de l’ordre de la recherche en laboratoire mais qui s’effectuent sur des mineurs particulièrement vulnérables et en assure, du même coup, la promotion auprès des parents et de leurs associations. La commission d’enquête dénonce vigoureusement cette démarche qui peut amener à faire valider par des structures universitaires des pratiques relevant de la manipulation psychologique et appelle à la plus extrême vigilance en ce domaine (1).
Par ailleurs, il est particulièrement étonnant que l’association Ta Main pour parler, qui se donne pour mission de propager cette théorie, puisse faire valoir, dans ses documents vidéo comme sur son site Internet, un financement de ses « recherches » par la Direction générale de la santé. À ce propos, M. Bernard Basset, sous-directeur à la Direction générale de la santé a apporté les précisions suivantes devant la commission d’enquête : « Je sais qu’à la fin des années 90, une subvention a été versée, visant à financer une étude, laquelle a abouti à un rapport sur la communication facilitée. Mon prédécesseur m’a dit que ce rapport était d’une qualité déplorable et ne pouvait pas être considéré comme un rapport d’évaluation scientifique, ne serait-ce que parce que le nombre de cas étudiés était très faible, de l’ordre d’une dizaine. Cela dit, je ne suis pas en mesure de vous dire dans quelles conditions ce rapport a été élaboré. Ce qui est certain, c’est qu’il ne pouvait pas être considéré comme valable sur le plan scientifique. C’est une manipulation de dire que le ministère soutient les conclusions de ce rapport. »
Par lettre en date du 19 octobre 2006, M. Bernard Basset a confirmé l’absence de valeur scientifique du rapport d’évaluation dont font état les défenseurs de la communication facilitée. Cette mise au point est publiée en annexe du présent rapport.
Prenant acte de ces déclarations, la commission d’enquête n’en constate pas moins que des procédés qui relèvent manifestement d’une approche irrationnelle ont pu bénéficier d’une aide publique. Ce constat a amené M. Didier Houssin à faire le commentaire suivant à l’occasion de son audition devant la commission d’enquête : « J’avoue être un peu perplexe. En un sens, j’ai bien l’impression que notre action, malgré l’attention que nous prêtons à un certain nombre de sujets, n’est probablement pas à la mesure de ce qui serait nécessaire compte tenu de l’ampleur du champ. Depuis que j’ai commencé à préparer cette audition, je me demande très sérieusement s’il ne faudrait pas passer à une vitesse très supérieure. »

Notes en bas de la page 81:
(1) Selon un article de presse paru dans l’Express du 26 janvier 2006, Mme Anne-Marguerite Vexiau, prétendrait même avoir pu « entrer en liaison avec un embryon décédé, via l’inconscient de sa mère ».
(2) Note : Lettre au docteur Jezequel, en date du 25 mars 2004, qui s’inquiétait du contenu de la fiche de renseignement relative à la communication facilitée éditée par Centre Interrégional d'Études et de Ressources sur l'Autisme (CIERA) Bretagne-Pays de Loire ; ce dernier comprend par ailleurs parmi ses ressources documentaires un large choix de cassettes vidéo de Mme Anne-Marguerite Vexiau.
Note en bas de la page 82:
(1) Dans ce contexte, l’existence d’un module « d’aide à la communication » au sein du diplôme « Syndromes autistiques, du diagnostic à la prise en charge » mis en place par l’UFR de médecine de l’Université de Bretagne occidentale peut susciter des inquiétudes.

Liens externes

  • http://www.pseudo-sciences.org/spip.php?article1294 L’effet Clever Hans et la « Communication facilitée » par Brigitte Axelrad - SPS n° 292, octobre 2010.
    [...] Si cette affaire peut faire sourire lorsqu’elle ne concerne qu’un cheval, elle devient tragique lorsque, sous forme de « Communication facilitée », elle s’applique à des enfants autistes ou à des handicapés, tels Rom Houben.
    James Randi a qualifié de farce cruelle ce procédé, qui consiste de la part du « facilitant » à déplacer la main du « facilité » sur le clavier de l’ordinateur et à prétendre que ce message est le sien. D’après la vidéo de la scène, cet homme ne voit pas l’écran. Il n’est pas au courant de ce qui se passe. Il est une victime inconsciente d’une comédie tragique. Aux États-Unis, l’Association for Behavior Analysis International, l’American Academy of Child and Adolescent Psychiatry, et l’American Association on Mental Retardation ont déclaré n’avoir aucun doute sur le fait que l’utilisation de la communication facilitée est en soi « injustifiée et contraire à l’éthique. »
  • http://www.lexpress.fr/informations/parlent-ils-avec-elle_669307.html Parlent-ils avec elle? Par François Koch, publié le 26/01/2006
  • http://cat.inist.fr/?aModele=afficheN&cpsidt=16319410 Les bases fragiles de la communication facilitée = The fragile bases of facilitated communication Auteur(s) / Author(s) SENECHAL C. (1) ; LARIVEE S. (1) ; RICHARD E. (2). Revue de psychoéducation et d'orientation, vol. 33, n°2, 2004
  • http://autisme-info.blogspot.fr/2005/10/charlie-hebdo-relax-pour-la-critique.html Charlie Hebdo relaxé pour la critique d'une méthode de communication avec les autistes. Publié le 11 OCTOBRE 2005
  • https://www.autism-watch.org/rx/fc(apa).shtml Resolution on Facilitated Communication. American Psychological Association. Adopted in Council, August 14, 1994, Los Angeles, CA.
    [...] PAR CONSÉQUENT, IL EST RÉSOLU QUE l'APA [American Psychological Association] adopte la position selon laquelle la communication facilitée est une procédure de communication controversée et non prouvée, son efficacité n'étant pas démontrée scientifiquement.
  • https://fr.wikipedia.org/wiki/Communication_facilit%C3%A9e
  • http://www.sceptiques.qc.ca/dictionnaire/facilcom.html La Communication facilitée


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Références

  1. 1,0 et 1,1 www.pseudo-sciences.org/spip.php?article743 La « communication facilitée » ou « psychophanie » par le Dr Laurent Jézéquel - SPS n° 277, mai 2007
  2. http://www.fc-netz.de/ Site allemand promouvant la "Gestützten Kommunikation" (communication facilitée)
  3. http://autisme-info.blogspot.fr/2005/10/charlie-hebdo-relax-pour-la-critique.html
  4. http://www.assemblee-nationale.fr/12/pdf/rap-enq/r3507.pdf A propos de la Communication facilitée, voir les pages 80-83